Psychothérapie féministe

Le féminisme est un ensemble de mouvements et d’idées qui visent l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Le but est d’obtenir la fin de l’oppression des femmes par les hommes. En d’autres termes, le féminisme vise des relations équilibrées et harmonieuses entre les femmes et les hommes, au lieu des rapports de dominations violents qui fondent le patriarcat (ou domination masculine).

En effet, depuis la nuit des temps, la plupart des êtres humains sont enfermés dans ces rapports de domination hommes-femmes qui sont la caractéristique et le fondement des sociétés patriarcales dans lesquelles nous vivons tou.te.s. Ainsi, dès leur plus tendre enfance, les femmes et les hommes du monde entier sont conditionné.e.s par ce mode de pensée qui soumet les femmes aux diktats masculins et modèle les hommes dans leur rôle d’oppresseurs des femmes.

Slogans féministes :

 « I’ll be a post-feminist in a post-patriarchy »

« Féministe tant qu’il le faudra »

La psychothérapie féministe, à quoi sert-elle ?

La psychothérapie féministe a pour objectif de déconstruire les mécanismes de la domination masculine. Elle permet de prendre conscience des processus de violence qui fondent l’oppression des femmes et leur domination par les hommes. Ces processus fonctionnent le plus souvent à notre insu, puisque notre conditionnement patriarcal nous fait croire que tout cela est normal voire que les victimes sont responsables d’être violentées (inversion de la violence). La grille de lecture féministe constitue par elle-même un formidable outil thérapeutique, ainsi qu’un moyen de sortir des rapports de domination qui ne sont alors plus occultés ou invisibilisés.

Par conséquent, la psychothérapie féministe est à la fois un puissant outil thérapeutique et un puissant outil politique visant un changement de société : La psychothérapie en tant qu’outil politique.

La domination masculine (patriarcat)

C’est au moyen des violences que les hommes dominent les femmes, sans quoi elles n’accepteraient jamais d’être soumises aux hommes. Ces violences sont multiples : sexuelles, conjugales, reproductives, économiques, etc. et elles commencent dès l’enfance.

Les violences patriarcales envers les enfants sont majoritairement dirigées contre les filles, mais également contre les garçons puisque ce sont elles qui formatent les filles dans leur rôle d’opprimées (victimes) et les garçons dans leur rôle d’oppresseurs (agresseurs). De ce fait, les violences envers les enfants sont l’instrument majeur de la perpétuation de la domination masculine et la cause d’une grande partie des pathologies psychiques et physiques dans le monde. Pour avoir une idée de l’ampleur ces violences : Les violences envers les femmes et les enfants.

En plus des inégalités et des souffrances que ces violences occasionnent pour les victimes, leur coût est énorme pour la société : 10% du PIB mondial = coût des violences faites aux femmes et aux enfants.

Toutefois, ces violences masculines massives sont majoritairement invisibilisées en raison de la stratégie patriarcale qui arrive à faire croire que la violence envers les femmes et les enfants n’existe pas. Professeure de psychologie sociale à l’université de Trieste, Patrizia Romito a écrit un ouvrage sur ce thème : Un silence de mortes : La violence masculine occultée.

« Alors que les hommes exercent des violences contre les femmes et les enfants, la société met tout en œuvre pour occulter cette réalité. » (Romito, 2006)

Cette oppression patriarcale qui se perpétue de façon occultée depuis des millénaires entraîne de lourdes conséquences sur la santé physique et psychique des femmes et des enfants.

Patrizia Romito s’exprime également dans cet article sur le thème de la violence masculine occultée dans le couple : « La stratégie patriarcale permet de nier la violence conjugale »

« Qui a intérêt à cacher la violence des hommes envers les femmes ? Evidemment les agresseurs. Mais aussi les hommes non violents qui profitent du système patriarcal: division du travail inégale, exploitation économique des femmes… La plupart des hommes tirent des bénéfices de cette situation. Le progrès social et les luttes féministes ont limité le pouvoir du patriarcat Mais il serait étonnant que la catégorie des hommes se laisse faire en perdant ses droits et privilège. » (Le Courrier, 2008)

Les violences sexuelles sont un pilier de ces violences machistes. Présidente de l’association « Mémoire Traumatique et Victimologie », la psychiatre Muriel Salmona dénonce régulièrement les violences envers les femmes et les enfants. Elle est notamment l’autrice de l’ouvrage incontournable : Le livre noir des violences sexuelles.

« A toutes les féministes qui les premières nous ont ouvert la voie pour dénoncer les violences sexuelles, leur fréquence, leur gravité et leur impact, pour lutter contre leur impunité, et pour en faire une analyse politique en tant qu’outil de domination et d’oppression. » (Salmona, 2013)

Pourquoi en est-on encore là ?

Alors pourquoi doit-on encore réclamer l’égalité femmes-hommes et la fin des violences masculines envers les femmes et les enfants ? Comment se fait-il que l’humanité entière n’adhère pas à cela en ce début de 21ème siècle ? Comment se fait-il que l’on ait encore besoin du féminisme aujourd’hui ? Probablement est-ce en raison d’un conditionnement millénaire à la domination masculine et à l’acceptation des violences qui en découlent, ainsi que d’un manque de motivation des hommes à renoncer aux énormes privilèges que leur accorde cette domination.

La résistance à l’égalité est aussi la conséquence de l’émergence du masculinisme (ou anti-féminisme), un mouvement qui cherche à maintenir coûte que coûte la domination masculine (ou patriarcat). Ce mouvement qui s’oppose à l’égalité femmes-hommes s’est développé dès l’instant où, grâce au féminisme, les femmes ont obtenu de minimes avancées vers l’égalité. Le masculinisme fait donc partie de ce que le féminisme nomme le backlash (retour de bâton).

Pour mettre fin à l’oppression des femmes par les hommes, il faudrait commencer par inscrire d’urgence dans la loi en tant qu’infraction la misogynie ou le sexisme (violences de genre), au même titre que le racisme et l’antisémitisme. Il est même surprenant que les violences liées au sexe ne figurent pas encore dans la loi et ne soient pas encore sanctionnées pénalement.

La psychothérapie féministe : exclusivement des femmes thérapeutes pour les femmes

La psychothérapie féministe s’adresse aux femmes et aux hommes.

Lorsque la psychothérapie féministe s’adresse à des femmes, celle-ci doit être pratiquée exclusivement par des femmes, sinon il y a reproduction du processus de domination masculine qui silencie les femmes en faisant croire que les hommes savent mieux que les femmes (ce que l’on nomme le mansplaining) et notamment que les hommes sauraient mieux que les femmes ce qui est bon pour les femmes ou ce qu’est le féminisme. De ce fait, un homme qui serait le psychothérapeute d’une femme ne pourrait prétendre pratiquer de la psychothérapie féministe.

En revanche, lorsque la psychothérapie féministe s’adresse à des hommes, celle-ci peut être pratiquée à la fois par des femmes et par des hommes. Ce travail de déconstruction de la domination masculine s’articule autour de la nécessité pour les hommes de renoncer à leur position de dominants. Ce renoncement s’appelle le disempowerment des hommes (Dupuis-Déri, 2014). Il implique dans un premier temps une prise de conscience des processus de domination des hommes et des privilèges qu’ils en retirent. C’est aussi une prise de conscience du male entitlement (Manne, 2020) que l’on peut définir comme le sentiment pour les hommes que le simple fait d’être un homme leur confère des droits incontestables dans la société, droits qu’ils considèrent comme un dû, par exemple, l’appropriation du corps des femmes pour le sexe et la reproduction. Dans un second temps, dans le disempowerment, les hommes cherchent à développer de nouveaux modes relationnels égalitaires avec les femmes.

La psychothérapie féministe, c’est quoi ?

La psychothérapie féministe n’est pas une méthode et n’est liée à aucune approche particulière. Elle est simplement un regard féministe sur le monde et les relations humaines. Toutes les approches peuvent être utilisées pour faire de la psychothérapie féministe, pour autant qu’elles permettent une relation thérapeutique égalitaire entre client-e-s et thérapeutes.

Pour l’instant, les psys féministes sont rares et presque exclusivement anglophones. Par exemple : Betty MacLellan (Australie) et Dee L. R. Graham (USA) :

Beyond Psychoppression : A feminist Alternativ Therapy

Betty McLellan - Psychopression

Betty McLellan
Psychothérapeute féministe (Australie)

Loving to Survive: Sexual Terror, Men’s Violence, and Women’s Lives
(théorisation du syndrome de Stockholm sociétal)
par Dee L. R. Graham, professeure agrégée de psychologie à l’Université de Cincinnati (USA)

Pour en savoir plus (en français) sur cet ouvrage important du féminisme :
Le syndrome de Stockholm sociétal (théorisé par Dee L. R. Graham)

Les approches dans lesquelles la-le thérapeute est dans une position d’expert-e sont contre-indiquées, puisque la psychothérapie féministe consiste précisément à s’extraire des rapports de domination qui sont à la base du système patriarcal.

La Gestalt-thérapie est une approche cohérente pour la pratique de la psychothérapie féministe. La relation thérapeutique gestaltiste est une relation égalitaire au sein de laquelle les processus sont travaillés de façon phénoménologique, c’est-à-dire en observant « ce qui se passe », sans interpréter ni prétendre savoir mieux que la personne.

La psychanalyse est contre-indiquée pour la psychothérapie féministe et ceci pour plusieurs raisons : la psychanalyse est une méthode patriarcale, centrée sur le phallus et la loi du père ; les psychanalystes se placent en position d’expert-e et posent des interprétations sur ce que pense et dit la personne ; la psychanalyse minimise l’inceste paternel et le considère comme étant la responsabilité de la victime. Pour plus de précisions sur ces thèmes : Alice Miller : le complexe psychanalytique de l’Œdipe projette sur l’enfant les désirs de l’adulte et La psychanalyse dévoilée : autisme et théorie sexuelle.

Quelques principes de la psychothérapie féministe

Pour les femmes : la psychothérapie féministe permet aux femmes de prendre conscience de l’emprise patriarcale dans laquelle elles sont enfermées. Cette prise de conscience permet peu à peu de rejeter les stéréotypes patriarcaux et de ne plus faire alliance avec l’oppresseur. Ce travail est fondamental pour traiter les troubles psychotraumatiques (ESPT, etc.) liés à la violence masculine.

Pour les hommes : la psychothérapie féministe consiste à faire prendre conscience aux hommes de leur rôle d’oppresseurs des femmes, afin de progressivement être capable de reconnaître ces comportements violents et de s’en extraire. Il s’agit d’un long travail avec une remise en question permanente pour que l’homme ne retombe pas dans ces schémas patriarcaux millénaires.

Bibliographie

Dupuis-Déri, Francis. (2014). Petit guide du «disempowerment» pour hommes proféministes in Possibles : Les féminismes d’hier à aujourd’hui. Été 2014, Vol. 38, no 1, pp. 79-96 [en ligne]. [consulté le 9 mai 2020]. Disponible à l’adresse : http://redtac.org/possibles/2014/10/24/petit-guide-de-disempowerment-pour-hommes-profeministes/

Graham, Dee L.R., Rawlings, E. I., Rigsby, R. K. (1994). Loving to Survive: Sexual Terror, Men’s Violence, and Women’s Lives. New York/London, USA/UK : NYU Press.

Le Courrier. (2008). « La stratégie patriarcale permet de nier la violence conjugale » [en ligne]. 26 novembre 2008 [consulté le 7 mai 2020]. Disponible à l’adresse : https://lecourrier.ch/2008/11/26/la-strategie-patriarcale-permet-de-nier-la-violence-conjugale/

Manne, Kate. (2020). Entitled: How Male Privilege Hurts Women [en ligne]. 11 août 2020 [consulté le 9 mai 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.barnesandnoble.com/w/entitled-kate-manne/1135572004

Mc Lellan, Betty. (1995). Beyond Psychoppression : A feminist Alternativ Therapy. North Melbourne, Australie : Spinifex Press.

Romito, Patrizia. (2006). Un silence de mortes : La violence masculine occultée. Paris, France : Syllepse.

Salmona, Muriel. (2013). Le livre noir des violences sexuelles. Paris, France : Dunod.